A la recherche de Jules Verne

Mondes sociétaux Points de vue

A la recherche de Jules Verne avec Agnès MARCETTEAU, chercheuse vernienne, directrice de la Bibliothèque municipale et du musée Jules Verne de Nantes  de 1997 à 2022.

Existe-t-il encore des mystères sur Jules Verne ? 

Encore aujourd’hui, tout le monde pense connaître Jules Verne, même sans l’avoir lu. S’il bénéficie d’une immense notoriété, son œuvre reste en partie méconnue. La lecture de Jules Verne a emprunté des chemins tortueux. Il a connu rapidement un succès international. Mais, il y avait un revers à la médaille. Refusé quatre fois par l’Académie française, il a été considéré comme un auteur mineur et le statut d’écrivain lui a été dénié. Il a essuyé aussi de très nombreux tirs de barrage. Son œuvre a été fortement critiquée, y compris par des gens qui ne l’avaient pas lue. Finalement, au fil du temps, un processus de redécouverte et de relégitimation s’est mis en route. 

Jules Verne, mieux compris aux Etats-Unis qu’en France  ? 

Oui, même si cela peut étonner, parce qu’aux Etats-Unis Jules Verne a été une référence dans le genre de la science-fiction. En effet, la science-fiction émerge dès les années 20 et très vite, Jules Verne devient la figure quasi tutélaire de ce genre outre atlantique. 

L’année 1949 est importante. L’écrivain Michel Butor publie le livre Essais sur les modernes, et l’un de ses textes consacré à Jules Verne figure à côté des grands noms de la littérature, Baudelaire, Dostoïevski, Mallarmé. 

Comment un homme dans le panthéon des grands auteurs aujourd’hui a-t-il pu être aussi peu reconnu dans son temps ? 

Jules Verne a d’abord été perçu comme un auteur pour la jeunesse, et son œuvre considérée de ce fait comme mineure. Son rattachement à la science-fiction a également fait question, Bernard Blanc allant même jusqu’à publier en 1978, au nom de la défense d’une nouvelle science-fiction française, un livre intitulé Pourquoi j’ai tué Jules Verne.

Mais parallèlement des auteurs et critiques, à la suite de Michel Butor, ont progressivement fait redécouvrir son œuvre dans sa véritable spécificité et richesse : J.M.G. Le Clézio, Julien Gracq, Michel Serres, Gérard Klein, Philippe Curval… Aujourd’hui, de nombreuses recherches universitaires lui sont consacrées. 

En quoi l’œuvre est-elle étonnante ? 

En abordant Jules Verne à 23 ans - enfant, je ne l’avais jamais lu, sans doute parce qu’il était plutôt considéré comme une lecture masculine - mon premier étonnement fut de découvrir les multiples dimensions de son œuvre. Il met autant la nature que la technologie et les inventions au cœur du récit. Pour Jules Verne, la science est un vrai sujet de société car elle change les vies. Il sait aussi bien évoquer la science que la nature. Et il parle très bien de la nature dans son oeuvre.

Dans l’œuvre de Jules Verne, comment évoque-t-il la nature ? 

Jules Verne est un véritable paysagiste, qui nous donne à voir la beauté du monde. Dans le livre Voyages et aventures du capitaine Hatteras par exemple, il existe des passages d’une très grande beauté sur les aurores boréales. Il dépeint les couleurs de ces aurores en mots avec lyrisme. Ce lyrisme et sa poésie vous emportent dans Les Indes noires, Michel Strogoff, Hector Servadac.

Interview réalisée par Alexia BELLEVILLE

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