
Jules Verne, un homme au coeur des entreprises humaines
Jules Verne, un homme au coeur des entreprises humaines avec Agnès MARCETTEAU, chercheuse vernienne, directrice de la Bibliothèque municipale et du musée Jules Verne de Nantes de 1997 à 2022
Jules Verne, sceptique ou optimiste pour le monde ?
Au-delà de son humour, une des choses que je préfère chez Jules Verne est son scepticisme. Jules Verne sait qu’il y a des limites aux entreprises humaines. Je pense en particulier au Tour du monde en quatre-vingts jours. A la fin du roman, Phileas Fogg arrive à Londres. Il est persuadé qu’il a perdu son pari. Puis, il réalise qu’il l’a finalement gagné. Revers de la médaille : cela lui a coûté autant que ce qu’il a gagné. Mais, « quelque invraisemblable que cela puisse paraître », il a gagné l’amour avec Mrs Aouda. Selon Jules Verne, la vie vaut la peine d’être vécue sans trop d’illusions. Dans toute aventure humaine, il y a des contrastes, des réussites du moment et des revers de médaille.
Une invitation à l’humilité. Jules Verne est persuadé qu’il y a souvent nécessité de repartir de zéro. Dans Vingt mille lieues sous les mers, le sous-marin le Nautilus disparaît. Seul, le témoignage d’Aronnax demeure. Dans L’île mystérieuse, et L’éternel Adam, les choses se construisent, se défont. Les personnages reconstruisent en partant de rien.
Intuition ou anticipation ?
Comment est-ce possible que Jules Verne ait pensé le sous-marin de Vingt mille lieues sous les mers ou bien encore la conquête spatiale dans De La Terre à la Lune avant leur existence ?
Jules Verne n’invente rien : il extrapole une technologie balbutiante dont il développe le potentiel, en s’appuyant sur les connaissances et recherches scientifiques de son époque. Quand il s’attaque à De la Terre à la Lune, les connaissances scientifiques étaient suffisantes pour penser que l’Homme irait un jour dans l’espace. Comme elles ne l’étaient pas suffisamment pour affirmer que l’Homme pourrait alunir, ses personnages ne se posent pas sur la Lune.
Le tout technologique peut-il amener à la mégalomanie ?
Le fil rouge de l’œuvre de Jules Verne est l’aventure humaine. Que va-t-on faire du savoir technique, des machines extraordinaires que l’on invente ? Peut-on être emporté par la mégalomanie ? Il met au centre la place de l’homme, sa petitesse, ses limites et sa responsabilité par rapport aux machines qu’il crée.
Comment Jules Verne transmet-il des leçons de vie ?
Il crée en particulier des personnages assez excentriques pour devenir des archétypes, qu’il confronte à des situations extrêmes. Dans Voyage au centre de la Terre, le professeur Lidenbrock fait monter Axel en haut d’un clocher et lui donne une leçon d’abîmes : tout peut basculer à tout moment dans la vie. Jules Verne questionne ainsi la condition humaine, sa chute possible quand nous allons trop loin dans nos excès. Dans De la Terre à la Lune, il écrit « la joie de J.-T. Maston ne connut plus de bornes, et il faillit faire une chute effrayante. » Cette phrase extraordinaire appelle à l’humilité pour éviter de chuter.
Interview réalisée par Alexia BELLEVILLE